NAVIGO – Invitée de LCI, la présidente la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, en a profité pour fustiger un dispositif légal qui imposerait à la région des tarifs réduits dans les transports pour les personnes en situation irrégulière. Mais à quoi Valérie Pécresse fait-elle référence ?
[Article écrit pour LCI et publié le 19 septembre 2019]
Indignée, Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, était l'invitée d'Elisabeth Martichoux pour l'interview politique du mardi 17 septembre. L'occasion pour l'élue de dénoncer une loi qui contraindrait la Région d'offrir les transports à moitié prix pour les personnes en situation irrégulière.
"Il se trouve que nous avons en Ile-de-France une loi inique qui dit que nous devons donner 50% de réduction à l’année selon les transports aux étrangers en situation irrégulière. Ça fait trois ans que j’essaie d’abolir cette loi par ce que je considère que c’est une prime à l’illégalité. Quand on a des politiques sociales trop généreuses, on fait un appel d’air et on vient chez nous pour notre politique sociale. [...] C’est en réalité une subvention au travail clandestin." Un dispositif qui coûterait "40 millions d'euros aux Franciliens, qui eux paient leur passe", d'après Valérie Pécresse.
LCI démêle le vrai du faux de ses déclarations.
Quelle est la loi évoquée par Valérie Pécresse ?
D'après Valérie Pécresse, "une loi inique" contraindrait Ile-de-France Mobilités - l'organisme public d'organisation des transport dont elle est également la présidente - d'appliquer un tarif à moitié prix pour "les clandestins". La présidente du conseil régional fait ici référence à un article de la loi Solidarité et Renouvellement urbain adoptée en décembre 2000.
Cette disposition, inscrite depuis au code des transports, prévoit en effet que toutes les personnes qui ont des ressources en deçà des seuils de perception de l'aide médicale d'Etat (AME) - soit 746 euros par mois pour une personne célibataire ou 1.119 euros pour un couple - peuvent bénéficier d'une réduction de 50% sur leur accès aux transports urbains.
Mais il ne s'agit pas d'une réduction spécifique aux personnes en situation irrégulière. Elle s'applique également à tous les usagers placés sous le régime de la couverture maladie universelle ou de l'aide à l'acquisition d'une couverture maladie complémentaire, en raison de leurs faibles revenus.
Afin d’exclure les sans-papiers du dispositif de réduction de -50% Ile-de-France Mobilités a décidé, en février 2016, de retirer les personnes admises à l’AME des bénéficiaires de la réduction des -50%.
Quel est le coût réel de ce dispositif ? Combien de personnes en bénéficient ?
D'après Valérie Pécresse, la réduction de 50% pour les seuls bénéficiaires de l'aide médicale d'Etat coûterait "40 millions d'euros aux Franciliens". Nous nous sommes penchés sur le dernier budget primitif établi par Ile-de-France Mobilités. Ce dernier mentionne en réalité le chiffre de 27,9 millions d'euros pour "le remboursement aux bénéficiaires de l’AME", non 40 millions.
Alors d'où proviennent les 40 millions d'euros évoqués par la présidente de la région ? Ce montant semble plutôt correspondre au coût de la réduction de 75% du pass Navigo qui avait été votée par la majorité précédente en faveur des usagers les plus modestes. Cette diminution supplémentaire du prix du trajet a été appliquée entre février 2016 et juillet 2018 avant d’être redescendue au seuil légal de moins 50% avec l'arrivée de Valérie Pécresse à la tête de la région.
Enfin, concernant le nombre de bénéficiaires, Ile-de-France Mobilités nous informe que le budget de 2019 est basé sur "une estimation à 110.000 personnes en situation irrégulière."
Pourquoi Valérie Pécresse ne peut pas annuler cette mesure ?
La présidente de la région Ile-de-France explique dans son interview qu'elle a tenté à plusieurs reprises de modifier cette loi pour mettre un terme aux -50% pour les titulaires de l'AME dans les transports. C'est effectivement le cas, mais les parlementaires n'ont jamais approuvé cette modification.
De plus, rappelons qu'en juillet 2018 la justice a estimé qu'Ile-de-France Mobilités a commis une "erreur de droit" en excluant tous les bénéficiaires de l'AME de la réduction de -50%. D'après la Cour administrative d'appel de Paris, la région ne pouvait pas ajouter une condition supplémentaire pour exclure spécifiquement les étrangers en situation irrégulière. La réduction a donc été rétablie depuis.
[Article écrit pour LCI et publié le 19 septembre 2019]