BREXIT – Information déroutante. D'après le British Medical Journal, un citoyen britannique a développé un trouble psychotique déclenché par la victoire du "Leave" lors du référendum pour le Brexit. Comment est-ce possible ?
[Article écrit pour LCI et publié le 17 octobre 2019]
Que s'est-il passé ?
The Independent raconte que le patient a décrit cette expérience comme "une succession de périodes intenses où je pense à toute vitesse, je suis distrait et absorbé par mes propres pensées". Il a "l'impression d'être au centre d'une histoire qui le dépasse", est persuadé qu'on veut lui tirer dessus. S'il a déjà traversé un épisode comparable il y a 13 ans en lien avec le stress éprouvé au travail, il n'a pourtant aucun antécédent familial, de problèmes de santé mentale, d'abus d'alcool ou de substances psychoactives, ni de problèmes de santé physique, assure l'article du British Medical Journal. Il sera finalement conduit aux urgences et pris en charge par les services psychiatriques, qui assureront ses soins pendant une dizaine de jours.
Pendant son séjour, le patient europhile essayera même de creuser le sol avec ses mains pour s'échapper. "Je pensais que nous étions dans le sous-sol d'un immeuble qui allait être détruit lors d'une attaque de type 11 septembre," raconte-t-il encore, selon le Daily Mail. Grâce à sa prise en charge, l'homme a été guéri dans les quinze jours avec l'administration d'un traitement antipsychotique et ne présente plus aucun trouble aujourd'hui.
Pourquoi cet homme est-il devenu fou à cause du Brexit ?
L'apparition de troubles psychotiques serait due à un excès de stress social, un phénomène observé par exemple aux Etats-Unis au moment de l'élection de Donald Trump. D'après une étude publiée en 2018 par le Département de psychiatrie et des sciences du comportement de la East Tennessee State University, les jours suivant la victoire du candidat républicain ont été marqués par l'"afflux soudain aux services des urgences de patients nés à l'étranger craignant tous d'être expulsés." La raison ? "La campagne présidentielle américaine de 2016 a été une période tumultueuse, avec des messages comprenant des scénarios effrayants, une source d'inquiétude pour les personnes immigrées."
La psychiatre américaine Dr Faith A. Aimua, auteur de l'étude de 2018, explique que "le stress social quotidien peut entraîner une libération excessive de dopamine, ce qui peut entraîner des symptômes affectifs et psychotiques négatifs." Les syndromes sont alors proches de ceux de la schizophrénie et de la paranoïa.
Le lien avec le Brexit et les troubles psychotiques sont-ils évidents ?
Auteur du livre 'N’importe qui peut-il péter un câble ?' le docteur Viviane Kovess-Masfety tient à rappeler que les troubles psychotiques ne sont jamais détachés de la réalité et de l'actualité. "Les symptômes de ce Britannique sont typiques d'un épisode psychotique et pas propres au contexte du Brexit. Les troubles ne sont jamais détachés de l'actualité ou de l'environnement immédiat. Les patients appuient toujours leurs délires sur ce qui les entourent. Il y a encore un siècle, vous pensiez que le diable pouvait venir chez vous, aujourd'hui vous avez peur du changement climatique ou, en l'occurrence, des événements politiques comme le Brexit."
Concernant les troubles développés par des migrants aux Etats-Unis, Viviane Kovess-Masfety, amenée à se rendre régulièrement à l'Université de Columbia dans le cadre de sa profession, a pu recueillir des témoignages. "J'ai rencontré des personnes de la communauté latino totalement paniquées à l'idée d'être expulsées ou d'être séparées de leurs enfants nés en Amérique suite à l'élection de Donald Trump. Mais contrairement au patient anglais et le Brexit, ces personnes avaient développé un stress en lien direct avec un risque pour leur situation personnelle."
[Article écrit pour LCI et publié le 17 octobre 2019]