RETRAITES - La ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, s'est déclarée plutôt favorable à un recul de l'âge de la retraite à l'occasion du "Grand Jury" sur LCI dimanche 17 mars. Pour justifier sa position, elle mettait en avant le faible nombre d'actifs par rapport au nombre de retraités. Le régime va-t-il vraiment dans l'impasse ?
[Article écrit pour LCI et publié le 9 octobre 2019]
"Je pense, qu'un jour, nous serons obligés de travailler plus longtemps sinon le système par répartition ne pourra pas tenir. Je rappelle que le ratio, c’est-à-dire le nombre d’actifs qui payent les retraites par rapport au nombre de retraités, ne cesse de diminuer. Donc quand il y aura un actif pour deux retraités, les cotisations ne suffiront plus." Ainsi s'exprimait la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn, invitée du "Grand jury" sur LCI le dimanche 17 mars.
Combien est-ce qu'il y a d'actifs par rapport au nombre de retraités ?
La ministre faisait part de son inquiétude concernant le nombre d'actifs par rapport au nombre de personnes à la retraite. Elle craint une situation où il y aurait un salarié qui cotiserait pour deux retraités.
Aujourd'hui, ce ratio entre salariés et retraités est de 1,7. Ce qui signifie que pour une personne à la retraite, il y a 1,7 personne qui cotise par son travail. Dans le scénario catastrophe évoqué par Agnès Buzyn, ce ratio atteindrait le niveau alarmant de 0,5. Autrement dit 'un demi salarié' pour un retraité, ou un salarié pour deux retraités.
Le système de retraite manque-t-il d'actifs qui cotisent ?
Si on se réfère aux projections du Conseil d'orientation des retraites, le ratio des cotisants par rapport au nombre de retraités ne descendra pas en-dessous de la barre des 1,3 avant 2070. Un chiffre bien loin du ratio alarmant prédit par Agnès Buzyn. La situation de deux retraités pour un seul actif n'est donc pas envisagée par le Conseil d'orientation des retraités, groupe d'experts comprenant des parlementaires, les partenaires sociaux et des représentants de l’État.
Toutefois, même si ces prévisions sont moins pessimistes que celle de la ministre, il ne s'agit d'une bonne nouvelle pour notre système de retraite qui repose sur la solidarité des actifs. Alors existe-t-il un ratio idéal ? D'après le Conseil national de l'assurance-vieillesse, "il est difficile de viser un chiffre optimal car ce ratio dépend aussi de la démographie", un élément difficile à maîtriser à court et moyen terme.

Projection du Conseil d'orientation des retraites du nombre total de salariés cotisants par rapport au nombre de retraités. − COR & Insee
Comme on le voit sur cette projection établie par le Conseil d'orientation des retraites, c'est à partir du début des années 2000 que le ratio de salariés décroît fortement. Ceci s'explique par l'arrivée des baby-boomers à l'âge de la retraite.
La France compte aujourd'hui 14 millions de personnes retraitées, 2,3 millions de plus qu'il y a 10 ans.
La population active est-elle suffisante ?
Même si les prédictions d'Agnès Buzyn sont plus catastrophiques que la réalité, elle met en garde sur la pérennité du régime. En France, le système de retraites repose sur de moins en moins d'actifs. En 2018, notre pays compte 13,1 millions de personnes de 65 ans ou plus, soit un habitant sur cinq. D'ici à 2070, d'après l'Insee, les seniors devraient représenter à cette date 29% de la population, une hausse expliquée par les gains d'espérance de vie.
Cette population vieillissante et inactive pèsera sur le nombre des actifs. On appelle cela le taux de dépendance économique des personnes âgées - 65 ans et plus - par rapport à la population en âge de travailler - 20 à 64 ans.
L'OCDE a calculé son évolution jusqu'en 2050. En France, il y 33 personnes de 65 ans et plus pour 100 personnes en âge de travailler, mais ce chiffre passerait à 53 en 2050 ! Une projection moins inquiétante que chez nos voisins. En Espagne en 2050, il y aurait près de 80 seniors pour 100 actifs, pareil pour le Portugal ou l'Italie. En Allemagne, les prévisions sont de 60 personnes âgées pour 100 actifs.
[Article écrit pour LCI et publié le 9 octobre 2019]