BRESIL – Grande inquiétude pour les défenseurs de l'environnement. Le site Open Democracy a mis la main sur des documents qui révéleraient les travaux que le gouvernement brésilien de Jair Bolsonaro a l'intention de mener en Amazonie.
[Enquête réalisée pour LCI et publiée le 28 août 2019]
Le site Open Democracy a révélé il y a une semaine le contenu de différents documents, notamment d'un PowerPoint, qui auraient été présentés lors de réunions entre différentes autorités brésiliennes. Des révélations qui confirment les appétits envers la forêt amazonienne : des routes bituminées, construction d'un barrage et d'un nouveau pont sur l'Amazone.
Quelles sont les révélations d'Open Democracy ?
D'après les documents mis en ligne par Open Democracy, le gouvernement de Jair Bolsonaro souhaite lancer le 'Projet Barão do Rio Branco', un grand plan de développement qui vise à désenclaver la région la plus au Nord de l'Amazonie. Ce plan est axé autour de trois grands travaux : la construction d'un barrage hydroélectrique sur le fleuve Trombetas près de la ville d'Oriximiná, l’installation d’un pont sur le fleuve Amazone dans la municipalité d’Óbidos et l’achèvement de l’autoroute BR-163 jusqu’à la frontière du Suriname.
La route BR-163 traverse tout le pays, depuis l'Etat de Rio Grande do Sul qui jouxte la frontière uruguayenne à l'extrême Sud du Brésil, jusqu'aux Etats du Para et du Mato Grosso situés au cœur de l'Amazonie. Aujourd'hui, seules les portions les plus au Sud sont en bitume. Mais comme on peut le voir, sur le compte Twitter du ministère des Infrastructures brésilien, le goudronnage de la BR-163 se poursuit actuellement sur la partie la plus au Nord de la route, ici dans l'Etat du Mato Grosso.
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Comme l'avait expliqué en janvier 2019 Maynard Marques Santa Rosa, le Secrétaire spécial aux Affaires stratégiques, au micro de l'émission A Voz do Brasil, le nom de 'Barão do Rio Branco' donné à ce projet fait référence au Baron de Rio Branco, ministre des Affaires étrangères au début du XXe siècle et dont l'action diplomatique permis de consolider les frontières brésiliennes. Dans la même interview, le Secrétaire spécial affirme que le projet sera promulgué par décret présidentiel.
Contrer l'idée d'un corridor écologique
Un second document est mis en ligne par Open Democracy. Il s'agit d'une page de l'"Agenda stratégique" des autorités brésiliennes. Plusieurs objectifs sont listés et c'est le point numéro 3 qui attire toute l'attention : "Intégrer la région Calha Norte au reste du territoire national, afin de contrecarrer les pressions internationales visant à mettre en oeuvre le projet Triple A." Sur le site du ministère de la Défense brésilien, il est expliqué que le 'Programme Calha Norte' recouvre une superficie de plus de 3 millions de km², le long de 14.000 km de frontières extérieures et où vivent 20 millions de Brésil dont 50% de la population autochtone du pays.
Au sein du document publié par Open Democracy il est expliqué que la construction du barrage d'Oriximiná, du pont d’Óbidos et l'achèvement de la BR-163 sont les axes de cette conquête du Nord de l'Amazonie.
Que signifie ce Projet Triple A que devrait contrecarrer le Projet Barão do Rio Branco ? Ce Triple A fait référence au projet d'un grand corridor écologique transnational qui s'étendrait des Andes à l'Atlantique en recouvrant tout le Nord de l'Amazonie. Une idée suggérée pour la première fois en 2015 par l'anthropologue colombien Martín von Hidelbrand et soutenue par l'ancien président de la Colombie, Juan Manuel Santos.
En novembre 2018, Jair Bolsonaro s'est déjà exprimé contre ce corridor pour des raisons de "perte de souveraineté" sur "136 millions d'hectares" de son territoire national. En effet, le Triple A se situerait à plus de 63% au Brésil, contre 34% en Colombie et 4% au Venezuela.
Désenclaver une région aux ressources convoitées
Pourquoi le gouvernement de Jair Bolsonaro tient-il tant à installer ces infrastructures au nord de l'Amazonie ? Si les défenseurs de l'environnement voient dans l’Amazonie une forêt primaire à protéger et les populations autochtones leur lieu d'habitation séculaire, tout le monde n'a pas le même regard sur cette région.
Par exemple, le sous-sol de l'Amazonie renferme de grande quantité de bauxite, matière première utilisée dans la production d’aluminium. D'ailleurs, les plus grands gisements se concentrent autour des villes d'Óbidos et d'Oriximiná, où seraient construits le pont et le barrage hydroélectrique.
Plus au Sud de l'Amazonie, l'Etat du Mato Grosso produit un tiers du soja brésilien. Il assure également une grande partie de la production nationale de maïs, de coton et de viande de bœuf. Or aujourd'hui, toutes ces denrées agricoles doivent se rendre jusqu'aux ports du Sud pour être exportées. Ainsi, désenclaver cette partie du pays permettrait d'améliorer l'exportation des marchandises.
Des projets antérieurs au président Jair Bolsonaro
Ces grands projets de développement sont-ils nés dans la tête de Jair Bolsonaro et de son gouvernement ? Si ce président a exprimé à maintes reprises son absence d'intérêt pour la protection de l'environnement, les axes évoqués dans le Projet Barão do Rio Branco sont dans les cartons de la présidence brésilienne depuis bien longtemps.
Par exemple, l'implantation de barrages hydroélectriques sur la rive gauche du bassin amazonien est prévue au sein du Plan décennal de l'énergie 2022, adopté en 2013, durant la présidence de Dilma Rousseff. D'ailleurs, ces projets de barrages inquiètent la population depuis cette époque. Concernant la BR-163, le journal local du Mato Grosso Só Notícias, rappelle que l'ancien président Lula s'était engagé dès 2006 à achever les travaux de goudronnage.
[Enquête réalisée pour LCI et publiée le 28 août 2019]