MIGRATION - D'après Christophe Castaner, des navires d'aides aux migrants en mer Méditerranée entrent directement en contact téléphonique avec les passeurs. Un fait qu'il présente comme sûr et "documenté".
[Enquête réalisée pour LCI et publiée le 6 avril 2019]
Profitant d'une conférence de presse en marge du G7 des ministres de l’Intérieur à Biarritz, Christophe Castaner a affirmé que "certaines ONG étaient en contact téléphonique direct avec des passeurs qui facilitent le départ des migrants depuis les côtes libyennes." Il s'agit, d'après lui, d'"une réalité documentée et évoquée depuis juillet 2017 ." Mais d'où proviennent les affirmations du Ministre ?
Les ONG encouragent-elles les activités des passeurs ?
Mise au point sur la position commune des ministres de l'Intérieur du #G7.
Nos ennemis, ce sont les passeurs, pas les ONG. pic.twitter.com/2MarIyePl6— Christophe Castaner (@CCastaner) April 5, 2019
L'utilisation de téléphones satellitaires par des passeurs libyens a été évoquée au sein d'un rapport de Frontex publié en février 2017. L'agence européenne, chargée de contrôler les frontières de l'Union, estime que "toutes les parties impliquées dans des opérations de sauvetage en Méditerranée centrale aident involontairement les criminels [ndlr : les passeurs] à atteindre leurs objectifs à un coût minimal et renforcent leur modèle économique en augmentant leurs chances de réussite." Ainsi, d'après Frontex, les seules ONG ne sont pas mises en cause car le rapport évoque bien "toutes les parties impliquées dans les opérations de sauvetage".
En revanche, Frontex estime bien que les navires des ONG ont pour effet d'augmenter les activités des passeurs : "Ils influencent la planification des passeurs et agissent comme un facteur d'attraction", précise l'agence. Si Frontex pense que "les migrants et les réfugiés - encouragés par les récits de ceux qui ont réussi dans le passé - tentent cette traversée dangereuse car ils connaissent et comptent sur l'aide humanitaire pour atteindre l'UE," et que les passeurs prennent en compte les bateaux des ONG pour envoyer davantage de migrants et sur des embarcations toujours plus en mauvais état et surchargées, le rapport ne parle a aucun moment de "collusion" comme l'affirme pourtant Christophe Castaner.
Des contacts téléphoniques entre passeurs et ONG ?
Il précise ensuite que seule une investigation plus poussée, notamment avec l'aide des services de renseignements italiens, pourrait lui permettre d'éclairer ses soupçons. Il ne s'agit donc pas d'une affirmation déterminée par une enquête ou condamnée par la justice.
Même affirmation pour Matteo Salvini. Interviewé en janvier 2019, le vice-président du Conseil italien et ministre de l'Intérieur, a affirmé : "Il existe des preuves de contacts téléphoniques entre des personnes à bord de navires d'ONG et des trafiquants sur le terrain," avant de rajouter que "cela concernera l'autorité judiciaire et non le ministre de l'Intérieur." L'intéressé n'a en revanche pas détaillé les "preuves" en question.
"Un code de bonne conduite" qui interdit les communications
Peu après la mise en place de ce code, certaines ONG comme SOS Méditerranée ont accepté de le signer. D'autres - comme Seawatch et MSF - ont refusé mais pour d'autres motifs : la possibilité, évoquée dans ce même code de conduite, la possibilité pour des officiers armés de monter à bord ou l'interdiction de transférer des migrants secourus entre leurs bateaux.
[Enquête réalisée pour LCI et publiée le 6 avril 2019]