SÉISME – Un séisme d'une magnitude de 3,1 a été ressenti à Strasbourg le 12 novembre, suivi d'un second le lendemain de 2,6. Une succession qui étonne dans la région. Les regards se tournent vers les travaux de géothermie profonde entrepris à quelques kilomètres de la ville. Un lien peut-il être établi ?
[Article écrit pour LCI et publié le 14 novembre 2019]
En quoi consiste ce forage en géothermie profonde ?
Comme l'explique Marianne Peter, géologue au Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), la région alsacienne concentre toutes les attentions pour ce type de projet. "En France, la fracturation hydraulique est interdite, pour l'exploitation des hydrocarbures et pour les opérations en géothermie profonde. Les exploitants utilisent donc les failles naturelles du sous-sol, comme c'est le cas en Alsace où plusieurs projets sont en cours."
Pourquoi la préfecture a-t-elle pris un arrêté de suspension ?
Comme l'explique Marianne Peter du BRGM, "un système d'alerte avec des seuils est mis en place pour chaque projet d'exploration géologique. Dans le cas de l'Alsace, le 'feu rouge' se déclenche dès qu'un séisme est d'une magnitude supérieure à 2. Les activités de stimulations sont suspendues jusqu'à nouvel ordre, dans l'attente de résultats complémentaires."
Pourquoi l'entreprise récuse son implication ?
Jean Schmittbuhl, directeur de recherches au CNRS et membre du RéNaSS, se montre plus mesuré. "Il arrive que des séismes se déclenchent après l'arrêt des opérations de stimulation hydraulique." Depuis le début de l'activité du site, en mars 2018, le RéNaSS a qualifié "d'induit" une centaine de séismes d'une magnitude inférieure à 2, un taux de sismicité supérieur à ce qui est habituellement enregistré dans le fossé rhénan. "Avant que nous puissions tirer toutes conclusions définitives, explique Jean Schmittbuhl, nous avons besoin de deux choses. Premièrement, attendre que cette crise sismique dans la région s'arrête. Deuxièmement, récupérer et analyser les données de Fonroche."
Il reviendra ensuite à la DREAL du Grand-Est, en lien avec la préfecture, de décider de la reprise des activités de stimulations hydrauliques. L'entreprise Fonroche tient à rappeler que l'arrêté de suspension n'a aucun impact sur le site puisque l'injection d'eau n'était déjà plus en cours. Elle devait normalement reprendre d'ici la fin de l'année, sauf si le préfet en décide autrement.
Existe-il des précédents ?
L'association professionnelle suisse Geothermie-Schweiz nous explique que "le projet de Bâle a été abandonné suite aux conclusions d’un groupe d’expert qui a qualifié le mode opératoire d’injection d’eau sous très haute pression , plus de 600 bars, comme pas suffisamment maîtrisé pour pouvoir être déployé en milieu urbain dense."
Attention toutefois avec la comparaison avec la Suisse car le séisme de Bâle et Saint-Gall a été provoqué par des stimulations hydrauliques, pratique interdite en France et donc non-utilisée en Alsace. Même si Philippe Roth rappelle que la différence entre 'fracturation' et 'stimulation' peut être parfois ténue sur le terrain.
[Article écrit pour LCI et publié le 14 novembre 2019]