La 5G est-elle une menace pour les prévisions météo ?

by | Articles en français, Fact-checking, Inédit, LCI, Société

CONNEXION – Le réseau 5G est-il l'ennemi des prévisions météo ? C'est en tout cas ce que craignent les météorologistes. Ils tirent la sonnette d’alarme et redoutent des interférences avec les satellites d’observation.

[Article écrit pour LCI et publié le 29 novembre 2019]

Et si les ondes radio exploitées par la 5G venaient perturber les prévisions météorologiques ? En cause : les fréquences utilisées par le futur réseau mobile, bien trop proches de celles utilisées par les satellites. L'institut Météo-France s'inquiète de la situation et demande une réflexion mondiale sur ce sujet. Explications.

Quel lien entre la 5G et la météo ?

Près de 800 satellites d'observation - étude du climat, des précipitations, surveillance - tournent actuellement en orbite autour de la Terre. Pour établir les prévisions météo, ils analysent sur un endroit déterminé la présence de vapeur d'eau en utilisant une bande de fréquences situées entre 23,6 et 24 GHz.Or, le réseau 5G implique l'utilisation des fréquences comprises entre 24 et 27,5 GHz, à la limite de celles utilisées par les satellites météo. Une cohabitation inédite pour les météorologues, la 4G se contentait de bande de fréquences dix fois moindre, de 2,7 GHz.

Pourquoi la 5G représente un risque pour les prévisions ?

LCI a contacté Eric Allaix, coordinateur national des fréquences à Météo-France, qui alerte sur la situation depuis plusieurs mois. "Si les fréquences utilisées par les satellites météo et par la 5G ne s'empiètent pas, elles sont trop proches. Les émissions de fréquences utilisées par la 5G risquent de 'polluer' nos observations." Un phénomène appelé les émissions hors bande. "C'est comme si deux voisins écoutaient de la musique chacun de leur côté. Avec une cloison trop fine, ils entendraient le son des deux musiques se mélanger."

 

Un brouillage qui serait catastrophique pour les prévisions météo. "J'estime que nous retournerions 10 à 15 ans en arrière dans la détection des intempéries, jusqu’à 6 heures de précision en mois pour l'arrivée d'un épisode local de pluie par exemple, sans parler de l'évolution des cyclones", s’inquiète Eric Allaix. Le satellite ne saurait pas s'il détecte effectivement des éléments constitutifs d'un orage ou s'il s'agit des émissions hors bande de la 5G.

Cette préoccupation est également partagée aux Etats-Unis. Auditionnée par la Chambre des représentants à ce sujet en mai 2019, l'Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique estiment que "les satellites pourraient perdre jusqu’à 77 % des données qu’ils recueillent aujourd’hui. Ce qui entraînerait une perte de fiabilité de l’ordre de 30 % pour les prévisions météorologiques."

Quelles sont les solutions envisageables ?

"La seule solution sera internationale, précise Eric Allaix. Les fréquences ne connaissent pas de frontières et les Etats devront se mettre d'accord sur une réglementation commune. Il s’agit d’une question de sécurité publique. Le sujet de la 5G a été largement abordé lors de la Conférence mondiale des radiocommunications en novembre. Une décision devrait être arrêtée dans quelques mois."Si aujourd’hui les accords internationaux prohibent l'utilisation de la bande de fréquences située entre 23,6 et 24 GHz en dehors des satellites météo, les météorologues aimeraient la protéger des émissions hors bande et réclament un engagement du côté des entreprises qui développent le réseau.

Contactée par LCI, la GSMA, l'association internationale qui représentent les opérateurs et fabricants, réfute toutes les allégations. "Personne ne va interférer avec les satellites météorologiques, ils seront protégés. Nous avons toujours répété que les services météo existants seront sauvegardés sans entraver le déploiement de la 5G, en adoptant des approches raisonnables d'atténuation des interférences."

Enfin d'après le ministère de l'Economie et des Finances, "il n'y a pas de problème en Europe, où la réglementation prend bien en compte ce risque. Les météorologues s'inquiètent en revanche de la situation aux États-Unis et en Afrique notamment."

[Article écrit pour LCI et publié le 29 novembre 2019]