DONS - Dans une interview accordée au magazine Socialter, l'auteur Jean-Marc Jancovici, connu pour ses interventions radicales sur le changement climatique, préconise l'instauration d'un âge limite pour les receveurs d'organe. L'objectif : "Réguler la population de façon raisonnablement indolore". Il affirme que ce système existe déjà au Royaume-Uni. Qu'en est-il ?
[Enquête réalisée pour LCI et publiée le 9 juillet 2019]
Craignant les effets néfastes de la surpopulation mondiale, l'ingénieur consultant en énergie et climat Jean-Marc Jancovici soutient une idée radicale. Dans le dernier numéro hors-série du magazine Socialter, il déclare qu'afin de "réguler la population de façon raisonnablement indolore", "dans les pays occidentaux", il faudrait cesser "de tout mettre en oeuvre pour faire survivre les personnes malades." Jean-Marc Jancovici s'appuierait sur le modèle britannique où, d'après lui, il n'y aurait "plus de greffes d'organes pour des personnes de plus de 65 ou 70 ans."
Des propos eugénistes twittés notamment par le chirurgien et essayiste Laurent Alexandre qui qualifie ces propos "d'euthanasie écologique." De nombreuses autres personnes se sont également indignées sur les réseaux sociaux. Mais cette information est-elle vraie ? Le Royaume-Unis instaure-t-il vraiment un âge maximum pour les bénéficiaires des greffes d'organes ?
L’Euthanasie Écologique approche. La réponse complète de l’écologiste @JMJancovici : améliorer l’environnement exige la baisse de la population et passe chez nous par l’arrêt des soins aux personnes très malades à partir de 65/70 ans.(non pour raisons médicales mais écologiques) pic.twitter.com/0jfRgWZqZN
— Laurent Alexandre (@dr_l_alexandre) July 7, 2019
Non, il n'y pas d'âge limite pour les receveurs d'organes au Royaume-Uni
Pour répondre à cette question, LCI a pris contact avec la NHS, l'agence nationale de santé britannique outre-Manche. John Forsythe, directeur des dons et des transplantation d'organes au sein de la NHS, nous assure que le Royaume-Uni n'a pas instauré de limites d'âge pour les receveurs d'organes.
John Forsythe nous explique que "les patients sont évalués individuellement, selon des critères validés au niveau national et basés sur la probabilité de succès de l'intervention. En conséquence, bien que l’âge avancé puisse être un marqueur de risque accru, chaque patient est examiné pour évaluer sa capacité à supporter l’opération de transplantation et le traitement médicamenteux très lourd." En d'autres termes, l'âge n'est pas une limite.
Jean-Marc Jancovici a donc parlé un peu vite et ses propos ne reposent sur rien. D'ailleurs, John Forsythe nous explique que "pour les organes tels que les reins, de nombreux patients septuagénaires bénéficient de greffes". Nous sommes donc bien loin des affirmations de Jean-Marc Jancovici. D'après nos recherches, aucun pays n'instaure d'âge limite.
Mais l'âge peut être un critère d'attribution
Dans chaque pays, les personnes qui doivent bénéficier d'un don d'organes sont inscrites sur une liste. En France, les transplantations sont sous la responsabilité de l'Agence de la biomédecine, qui dépend du ministère de la Santé. A ce titre, c'est elle qui gère la liste nationale d’attente de greffe.
Bien qu'il n'existe pas en France d'âge maximum pour les personnes greffées, nous lui avons demandé si, toutefois, l'âge était un critère pouvant déterminer la position des patients sur la liste d'attente. "Il existe des patients de tous âges, du bébé à des personnes de plus de 70 ans. Il n'y a pas de profil type pour les personnes greffées", nous répond l'Agence de la biomédecine. Ainsi, personne en France ne peut être exclue de la liste des receveurs d'organe sur la simple raison de son âge.
"Les règles d'attribution des organes permettent d'assurer une répartition la plus équitable possible tout en recherchant le meilleur receveur", précise l'Agence. "Certains patients sont prioritaires, comme les enfants ou les personnes dont la vie est menacée à très court terme ; ou encore ceux dont la probabilité d’obtenir un greffon est très faible. En l’absence de receveur prioritaire, l’attribution se fait par échelons géographiques successifs : local, régional, national."
Les personnes transplantées sont de plus en plus âgées
Les personnes transplantées dans le monde sont de plus en plus âgées. Par exemple aux Etats-Unis, d'après l'agence de santé publique américaine, en 2018 plus de 62% des personnes ayant subi une greffe d'organe étaient âgées de 50 ans ou plus. Plus de 21% des transplantés étaient âgés de 65 ans ou plus. Le donneur le plus âgé des Etats-Unis avait même 92 ans au moment de son décès. Son foie a permis de sauver une femme de 69 ans.
Une situation que nous explique Emmanuelle Macé, chargée de mécénat à la Fondation ProGreffe. "L'espérance de vie augmente, comme l'âge en bonne santé, donc fatalement l'âge des receveurs et des donneurs d'organes augmente." Sans oublier que les progrès de la médecine permettent aux patients de vivre plus longtemps et en meilleure santé malgré des organes défectueux. Emmanuelle Macé rappelle qu'un patient âgé peut parfois avoir des organes en meilleure santé qu'une personne plus jeune. Réfléchir à un âge limite en matière de don et de transplantation d'organes ne repose donc sur aucune base scientifique et médicale.
[Enquête réalisée pour LCI et publiée le 9 juillet 2019]