CORONAVIRUS - Le Mobilier national organisera des enchères au profit de la Fondation Hôpitaux de Paris - Hôpitaux de France. Si cette vente inquiète les défenseurs du patrimoine, elle s'accompagne également de nombreuses rumeurs. Hervé Lemoine, directeur du Mobilier national, répond à LCI.
"Soyons très clairs : aucune pièce ne sera déclassée pour la vente." Face aux rumeurs qui entourent déjà la prochaine vente aux enchères organisée au profit de la Fondation Hôpitaux de Paris - Hôpitaux de France, le conservateur général du Patrimoine et directeur du Mobilier national Hervé Lemoine joue la transparence. "Il n’y aura aucun trésor, aucune pièce majeure de mobilier dans cette vente."
Cette vente, annoncée pour l'automne, portera sur une centaine de pièces conservées dans les dépôts nationaux, notamment au sein des réserves de la célèbre galerie des Gobelins dans le 13e arrondissement de Paris. Les pièces proposées seront pour l’essentiel du mobilier du XIXe siècle. Si le Mobilier national organise tous les ans des enchères comparables, celle-ci sera particulière. Explications.
Une procédure de session très encadrée
La décision de se séparer d'une partie de ses biens ne revient évidemment pas au Mobilier national seul. Premièrement, le conservateur en charge des collections sélectionne les meubles qu'il considère comme cessibles "sans aucune conséquence patrimoniale", précise Hervé Lemoine. Ensuite, une commission scientifique spéciale les examine et décide si chaque objet peut effectivement être vendu sans risque.
"La décision doit être prise à l’unanimité ! Il suffit d’une voix contre pour que le meuble ne soit pas aliéné et vendu." Enfin, une troisième commission, dite de contrôle, présidée par un magistrat de la cour des Comptes, assisté d’un conseiller d’Etat et d’un inspecteur général des Finances, doit encore donner son aval.
Chose exceptionnelle, une étape de validation supplémentaire sera mise en place pour cette vente "afin d’être certain de ne pas commettre d’impairs", explique Hervé Lemoine. "Nous avons décidé qu’une commission interne réunissant tous les scientifiques de l’établissement, inspecteurs des collections et conservateurs du patrimoine, se réunirait pour décider de la liste des biens aliénables du domaine public. Un seul vote contre et le doute bénéficie toujours à l’objet."
Pourquoi le Mobilier national se sépare-t-il de ces biens ?
Ces cessions sont nécessaires pour deux raisons. "Premièrement, les ventes permettent de mieux séparer, pardon de la trivialité de ma comparaison, 'le bon grain de l’ivraie'. Dans nos dépôts, nous conservons dans les mêmes conditions des chefs-d’œuvre et des armoires de guingois. Notre travail de conservateur et de restaurateur est aussi de mieux identifier les pièces vraiment importantes pour mieux les protéger."
La seconde raison est le nombre important de pièces conservées. "Aujourd’hui, près de 30% de notre budget est absorbé par la location des espaces d’entreposage au détriment des restaurations ou des acquisitions de pièces remarquables. Nous disposerons bientôt de nouveaux locaux de conservation à Pantin (Seine-Saint-Denis). Avant cela, je souhaite que nous procédions à un récolement complet, ce qui n’a jamais été fait."
"Aucun trésor dans cette vente"
Hervé Lemoine nous confie être agacé par les nombreux raccourcis qu'il a pu lire à propos de cette future vente. "Soyons très clairs : aucune pièce ne sera déclassée pour la vente. C'est parce qu'ils ont été déclassés que nous les vendons et non pas le contraire ! Il n’y aura donc aucun trésor, aucune pièce majeure de mobilier."
Cette étagère pourrait bien faire partie des meubles cédés lors de la prochaine vente aux enchères organisée au profit des hôpitaux
Le directeur du Mobilier national fournit à LCI quelques photos des meubles qui pourraient sans-doute faire partie de la prochaine vente. "Vous voyez, nous sommes loin des trésors annoncés par certains ! Il s’agira de pièces courantes. Leur seule particularité est d’avoir servi à meubler des bâtiments officiels. Mais même dans nos palais nationaux, il y a des meubles ordinaires", nous précise le conservateur général du patrimoine.
Cette table est actuellement conservée au sein du Mobilier national
Le Mobilier national organise ce type de vente tous les ans. "La dernière vente importante a eu lieu en juin 2011 avec des meubles et des sièges du XIXe et du XXe de style et quelques tapis. C'est dans cette vente que se trouvaient, par exemple, des commodes Empire en très mauvais état et adjugées pour... 50 euros. Beaucoup d’autres lots n’ont même pas trouvé preneur", précise Hervé Lemoine.
Autre rumeur, cette vente serait une initiative de la Fondation Hôpitaux de Paris - Hôpitaux de France, présidée par la Première dame, Brigitte Macron. Entièrement faux d'après Hervé Lemoine. "C'est le Mobilier national qui a porté l'initiative du partenariat et nous avons choisi de médiatiser ces enchères à la manière des ventes de mobilier d’hôtel ou des actions de solidarité. Cette vente est le prolongement de notre action menée envers les soignants, comme nous l’avons fait en donnant 8.000 masques à l’ARS et à la Salpêtrière."
Surtout, Hervé Lemoine espère que la bonne cause boostera les enchères. "Beaucoup seront prêts à donner plus que la valeur réelle des biens pour aider la Fondation." Réponse cet automne.