Des métiers sont-ils vraiment interdits aux personnes diabétiques ?

by | Articles en français, Economie, Inédit, LCI, Santé

DIABÈTE – Dans une vidéo qui fait le tour des réseaux sociaux, un jeune diabétique de 15 ans, Haka Vallée, explique qu'il ne pourra jamais être contrôleur SNCF ou RATP à cause de sa pathologie, dénonçant une situation discriminatoire. Des métiers sont-ils vraiment interdits aux personnes diabétiques ? Éléments de réponse.

[Enquête réalisée pour LCI et publiée le 26 juillet 2019]

Le témoignage d'Haka Vallée, un jeune diabétique de 15 ans est largement partagé sur les réseaux sociaux. Interviewé par Kombini, le jeune homme dénonce les discriminations dont les personnes atteintes de diabète font l'objet dans l'accès à l'emploi, notamment via les concours de la fonction publique.

"J’ai appris qu’on avait la possibilité d’être chirurgien, donc d’opérer pendant plusieurs heures, mais on n’a pas le droit d’être contrôleur dans la RATP ou la SNCF. C’est risible", s'insurge Haka Vallée. Un sujet qui a attiré notre attention.

Des métiers sont-ils inaccessibles aux diabétiques ?

Effectivement, comme l'affirme Haka Vallée, des professions restent inaccessibles aux personnes diabétiques. D'après le Guide Diabète et Travail de la Fédération française des diabétiques, on retrouve parmi ces métiers : le personnel naviguant technique, celui des armées, les sapeurs-pompiers ou encore la police nationale. Mais, plus surprenant, on trouve également dans cette liste les officiers des haras nationaux, les ingénieurs des ponts et des mines, ou des ingénieurs géographes.

La Fédération française des diabétiques nous explique que les corps de métier cités dans son Guide sont à considérer au cas par cas. "Tous les métiers ne sont pas interdits aux personnes diabétiques, mais pour la plus part d'entre eux, oui", explique Claire Desforges, chargée des affaires publiques à la Fédération.

Nous avons contacté la RATP concernant le métier de contrôleur. La régie nous précise qu'elle n'effectue aucun refus a priori. "L’aptitude médicale à un poste à la RATP est déterminée par le médecin du travail en fonction de l’adéquation de l’état de santé d’une personne avec les contraintes de son poste et sans a priori sur la pathologie." Il n'y a donc aucun métier interdit en soi aux personnes diabétiques, mais certains postes pourraient se révéler incompatibles en raison de la pathologie et des symptômes ressentis par le salarié.

Pourquoi les diabétiques sont-ils privés de certaines professions ?

Comment se traduisent ces discriminations ? En fonction des postes considérés, les personnes diabétiques n'ont tout simplement par le droit d'y accéder ou de passer les concours correspondants. Certains professions sont interdites aux malades de Type 1 ou de Type 2, d'autres n’effectuent pas de distinction.

"Ces règles discriminantes sont souvent anciennes, elles ne prennent pas en compte les avancées de la médecine dans le traitement du diabète", explique Claire Desfroges. "Alors qu'aujourd'hui les diabétiques maîtrisent très bien les effets de leur pathologie." La solution, selon elle ? "Il faut mettre fin aux interdictions généralisées et instaurer une validation de l'aptitude au cas par cas par un médecin."

Des règles strictes qui conduisent bien souvent les personnes diabétiques à se retrouver dans une incompréhension totale. C'est le cas, par exemple, d'Alizée Agier, championne de karaté. En 2016, elle réussit braillement les épreuves pour intégrer la police nationale. Mais au moment de la visite médicale, elle est déclarée inapte alors que son diabète est stable et qu'elle est pratique le karaté à haut-niveau. Une décision qu'elle contestera devant la justice... obtenant gain de cause.

En octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg annule en effet la décision du préfet qui refusait sa candidature à la fonction de gardien de la paix. "C'est la toute première fois que les juges prennent une telle décision", se félicite la Fédération française des diabétiques."C'est un premier pas vers la fin des discriminations envers les personnes diabétiques."

Une personne diabétique doit-elle le signaler à son employeur ?

Aucun réglementation n'impose de signaler son diabète à son employeur ou lors d'un entretien d'embauche. Dans tous les cas, un recruteur n'a pas le droit de poser des questions sur l'état de santé des candidats. Dans le Guide Diabète et Travail, il est même recommandé de ne pas "informer ses collègues de son état de santé dans un premier temps" et d'attendre que des relations de confiance se nouent avant d'en parler.

Claire Desforges nous indique que la Fédération française des diabétiques reçoit régulièrement des demandes d'aide de personnes discriminées dans leur travail. "Dans une étude de 2013, nous avions révélé que 25% des personnes diabétiques s'estiment victimes de discrimination dans leur vie professionnelle. Encore aujourd'hui, des diabétiques nous contactent car leur employeur veut les licencier ou les mettre au placard quand il découvre leur pathologie." Des pratiques qui sont totalement illégales. La Fédération soutient d'ailleurs régulièrement des diabétiques dans leurs démarches devant les tribunaux. "Seul le médecin du travail peut émettre légalement un avis d'inaptitude pour raison médicale, cette décision n'appartient jamais à l'employeur."

L'attitude de certaines entreprises proviendrait surtout d'un manque de connaissance sur le sujet. "Récemment, un jeune apprenti a été remercié pendant sa période d'essai car son patron l'a surpris aux toilettes en train de s'injecter de l'insuline. Il n'avait pas indiqué qu'il était diabétique et son employeur pensait qu'il prenait de la drogue."

Mais la réponse de la justice est longue, et les diabétiques discriminés doivent s'armer de patience pour faire entendre leurs droits. Dans le cas d'Alizée Agier, si les juges lui ont finalement donné raison, "la décision est intervenu deux ans après son concours dans la police et elle est passée à autre chose depuis 2016", souligne Claire Desfroges. Aujourd'hui agent de la SNCF, elle se prépare pour les épreuves de karaté des Jeux olympiques de 2020.

[Enquête réalisée pour LCI et publiée le 26 juillet 2019]