SANTE - Alors que la direction des hôpitaux a reconnu l'existence d'un fichier nominatif, recensant les blessés lors des manifestations de Gilets jaunes, LCI se pose la question des liens entre les médecins et les autorités. Quels sont les cas où les médecins doivent alerter la police et la justice à propos de leurs patients ?
[Enquête réalisée pour LCI et publiée le 24 avril 2019]
"Le secret professionnel, institué dans l'intérêt des patients, s'impose à tout médecin." L'article 4 du code de déontologie médicale impose aux praticiens le secret médical.
Ce secret comprend, non seulement ce que le patient dit à son médecin, mais aussi ce que le médecin a "vu, entendu ou compris." Si le principe du secret médical est la règle, il existe cependant des cas dans lesquels le médecin peut le rompre.
Si un patient est blessé par arme ?
Lorsqu'un médecin constate que son patient est blessé par une arme blanche ou par une arme à feu, "le premier acte sera de le soigner. La décision d'alerter les autorités interviendra toujours dans un second temps", comme nous le confirme Dr Rafik Masmoudi, urgentiste.
Déjà confronté à cette délicate situation, le médecin nous détaille la procédure. "Après les soins, nous faisons un signalement au service juridique de l’hôpital. C'est ce service qui jugera de l'opportunité ou non de communiquer avec la police. Les médecins ne sont pas impliqués dans cette étape de la procédure." En revanche, si la victime est mineure, le signalement aux autorités est obligatoire. Dans tous les cas, l'urgentiste nous précise que le signalement au service juridique est une décision propre des médecins.
Autre règle : les médecins ne sont pas tenus de répondre aux questions des policiers, sauf si le Procureur a ordonné une enquête. "Auquel cas, nous communiquons les informations médicales utiles, via notamment le certificat descriptif", précise le Dr Masmoudi. Il rappelle également que les médecins conservent les éléments trouvés sur les victimes, comme des produits illicites, ou les douilles récupérées dans le corps.
Si un patient est victime de violences ?
D'après le code de la santé publique, lorsque un médecin détecte ou soupçonne des sévices subis par son patient, "il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour le protéger." Dans le cas d'une victime mineure ou d'un majeur vulnérable "en raison de son âge ou de son état physique ou psychique", le médecin doit alerter les autorités judiciaires ou administratives, sauf circonstances particulières qu'il apprécie en conscience."
Dr. Emmanuelle Bollache, médecin généraliste dans l'Ain, nous raconte le jour où elle a collaboré avec les autorités. "J'ai été confrontée une fois à un cas grave, une jeune fille apparemment violentée par son père. Après mon examen et le constat des blessures, j’ai pris la décision d'appeler le Procureur. La police est arrivée rapidement pour recueillir le témoignage de la victime."
Dr. Bollache a également suspecté de mauvais traitements. Dans le cas d'un mineur, le médecin doit alerter les services départementaux de protection de l'enfance, c'est une obligation. "Je n'ai pas alerté le Procureur car j'avais des doutes sur la nature exacte des faits. Ce sont les services sociaux qui ensuite décident de prévenir la justice."
La responsabilité du médecin ne peut être engagée
Comme le prévoit le code pénal, "le signalement aux autorités compétentes [...] ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s'il est établi qu'il n'a pas agi de bonne foi." Ce principe de non-responsabilité du médecin s'applique aussi lorsqu'il n'a pas effectué de signalement. En effet, le médecin reste totalement libre dans cette décision. Il lui revient d'apprécier la meilleure décision à prendre.
C'est ce que nous explique Laurent Puech, assistant social et fondateur du site SecretPro.fr. "Si un médecin a des doutes sur des violences dans un couple, le signaler immédiatement au Procureur n'est pas toujours la meilleure solution. Cela pourrait compliquer la situation. Le médecin peut alerter des confrères et les services sociaux." Au nom du secret médical, le médecin reste toujours dans son appréciation.